• JOHNNY, ce génial faussaire

                                                

    JOHNNY H, ce génial faussaire

      

    Mercredi 6 décembre 2017, le voilà le jour tant redouté par les fans du chanteur: celui du décès de Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday à l’âge de 74 ans.

    Un jour très sombre et sans aucun doute à marquer d'une pierre blanche pour les milliers d'admirateurs de la rock star comptaient.

    Au fil des ans et d’une carrière exceptionnelle,, le chanteur au regard bleu azur était devenu une légende, un mythe voir une institution.

    Avec plus de cinquante albums publiés, c'est un poids lourd de l'industrie musicale hexagonale et un monument de la musique populaire qui s'en est allée en cette funeste nuit. 

    Retour sur le parcours extraordinaire d’un homme au destin unique.

    Né à Paris en 1943, Jean-Philippe est rapidement abandonné par Léon, son père, qui ne le reconnaitra que huit mois plus tard.

    C'est donc un enfant sans aucun repère paternel qui grandit dans la capitale quelques mois avant d'émigrer direction Londres.

    Elevé par sa tante maternelle et deux de ses cousines, Jean-Philippe fait la connaissance de Lee Ketcham, un danseur américain plus connu sous le nom  de scène Lee Hallyday. Un patronyme que l'enfant choisira de conservera à l'instant de choisir son nom d'artiste, rendant ainsi hommage à celui qui sera à la fois son tuteur et son père adoptif.

    Très jeune, Smet se découvre des talents de danseur et de musicien. Il apprend tour à tour le violon et la danse avant de se tourner vers ce qui deviendra son instrument de prédilection: la guitare.

    A l’âge de 14 ans, Jean-Philippe découvre par un heureux hasard le King Elvis dans le film Amour Frénétique. C'est un choc et une véritable révélation pour le jeune adolescent qui rencontre alors sa future vocation de chanteur. 

    Encouragé par Lee (qui le surnomme affectueusement Johnny), Smet est aux premières loges pour ce qui est de la découverte d’un genre musical en plein essor qui deviendra son violon d'Ingres : le rock'n roll américain.

    Lee Hallyday lui fait parvenir quantité de disques directement en provenance d'Outre-Atlantique. Johnny découvrira avant tout le monde Bill Haley, Eddie Cochran, Elvis Little Richards... autant de pères fondateurs du genre rock'n roll. De retour à Paris, quartier de la Trinité, le jeune adolescent s’empresse d’ailleurs de faire découvrir à ses copains ces pionniers du genre (Eddy Mitchell aura cette phrase "On passait souvent des après-midi et des soirées à écouter Bill Haley, Presley, et des tas d'autres trucs qui n'étaient pas encore disponibles chez nous ").

    Vient ensuite la période Golf Drouot coïncidant avec celle des essais à la radio et à la télévision, comme ce passage en première partie de Colette Renard en 1959 qui lui vaudra une audition puis une signature chez Vogue.

    En avril 1960, Johnny est parrainé par Line Renaud dans l'émission"  L'école des vedettes. Elle le présente come un chanteur d'origine américaine (ce qu'il corrigera un peu plus tard sur les conseils de Charles Aznavour).

    Le titre "Souvenir, souvenir" publié en 1960 est son premier succès qui se vendra à plusieurs milliers d'exemplaires.

    Rocker à la gueule d'ange, le jeune Johnny devient en quelques mois un véritable phénomène pour la jeunesse. A 18 ans,  ses ventes se chiffrent déjà à plus d'un million de disques vendus. Soutenu par l'émission de radio d’Europe numéro un Salut les copains, Johnny devient le premier rocker de l'histoire hexagonale.

    Sur scène, il se déhanche comme ses modèles d'Outre-atlantique et provoque l'hystérie des groupies.

    Toujours à l'affut des nouvelles tendances, le jeune Johnny popularise très rapidement le twist, une dance en provenance des USA qui fera rapidement fureur chez les jeunes.

    A cette époque nait également l'industrie du disque et ce qui en découlera indirectement : la culture musicale de masse.  

    Surnommé l'idole des jeunes, il devient le leader du mouvement" yé-yé", une expression inventée en 1963 par le sociologue Edgar Morin en référence aux nombreux "yeah yeah" qui parsèment les chansons anglo-saxonnes dont les jeunes gens de cette époque sont friands. 

    Dans cette France tenue d'une main de fer par son président Charles De Gaulle, la jeunesse exprime un fort besoin d'évasion qui se matérialise par de nouveaux comportements. Les jeunes s'identifient aux vedettes des Etats-Unis telles qu'Elvis et James Dean qui deviennent leurs idoles et des modèles.

    Revenu de son service national en1965, Johnny se voit contesté par un nouveau venu sur la scène musicale  hexagonale. Un chanteur du prénom d'Antoine qui dans son titre « Les élucubrations » dit vouloir enfermer notre star dans "une cage du cirque Médrano". Un message provocateur auquel l'idole répondra par le morceau "Cheveux longs, idées courtes". Un succès commercial mais un titre dont le message va brouiller l'image de la jeune star.

    Dépassé par de nouveaux artistes qui ont davantage de sympathie pour Bob Dylan que pour le King Elvis, Johnny traverse alors une période moins glorieuse coïncidant avec des déboires dans sa vie privée. "Noir c'est noir" chante-t-il même en novembre 1966 en référence à sa tentative de suicide après son divorce avec Sylvie Vartan, l’autre idole des jeunes. 

    L'année 1966 marque la fin de cette période bouillonnante. Les jeunes ados du début des années soixante ont à présent muri et manifestent leur soif d'émotions moins artificielles.

    C'est l'époque des rêves collectifs, des utopies et des mouvements contestataires qui déboucheront sur le fameux printemps mai 1968.  

    Musicalement également les choses ont également bougé pour Jojo. Accompagné désormais sur scène par un orchestre de cuivres, la musique de Johnny se dirige vers une soul et un rythm and blues chantés français avec de nombreux titres adaptés du répertoire américain.

    Une stratégie et une posture de faussaire dont le chanteur s'est fait le spécialiste depuis ses premiers succès.

    Chanteur et artiste caméléon, Hallyday s'inspire continuellement ce qui se fait ailleurs. Une recette qui fonctionne parfaitement.

    L'ère est au psychédélisme? Johnny convoque Jimmy Page le guitariste en titre de Led Zeppelin pour l’enregistrement de "Pyschédelic" en 1967. Les hippies prennent le pouvoir ? Il n’hésite pas à s’approprier leur hymne "San Francisco" pour une adaptation peu convaincante du titre de Scott McKenzie. Une stratégie sans doute peu glorieuse mais très lucrative et couramment pratiquée alors par d’autres faux rockers comme Dick Rivers.

    Un pédigrée caméléonesque qui lui vaudra d'être diffusé partout.

    Si JH a vendu plus d'une centaine de millions de disques, il le doit sans aucun doute à son grand talent vocal, à sa générosité et à son dynamisme sur scène mais également à des soutiens de poids dans l'industrie du disque.

    Pudique et réservé, l'homme n'a pas un égo tel qu'il devra être au centre de son art. Pour durer, il a besoin du talent des autres pour exister.

    Philippe Labro, Michel Mallory, Michel Berger, Jean-Jacques Goldman et plus récemment Pascal Obispo ou encore Mathieu Chédid se sont succédé au chevet de la star, missionnés pour faire perdurer la popularité du  rocker. 

    Car l'idole fait vendre. Composer ou écrire pour le compte de Johnny Hallyday est un vecteur idéal pour tout artiste qui souhaiterait se faire connaitre ou relancer sa carrière.

    Un disque ou une chanson avec Johnny et c'est le jackpot assuré.  

    Artiste provocateur et clivant à ses débuts, JH est devenu au fil des décennies un produit de grande consommation. Une icône tout autant qu'un business et qu’une marionnette aux mains des gros bonnets du show-biz.

    Un statut ambigu porté par un charisme et une aura de star qui lui auront permis de traverser les époques. Dans les années 80 "On a tous quelque chose en nous de Johnny" deviendra même un slogan prononcé par certaines élites. 

    Régulièrement raillé ou imité, l'interprète de "Retiens la nuit" était un sujet régulier de moqueries chez les puristes et les défenseurs d’une culture dite indépendante.

    La faute sans aucun doute à un style excessif et à une personnalité qui si elle a marqué des générations de fans n'aura jamais fait paradoxalement l'unanimité, à  l'exception de ce jour funeste.

    Qu'importe, Johnny est parti.

    Adieu l'Artiste.

       

     

     

    JOHNNY H, ce génial faussaire

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Roadflyer33
    Jeudi 7 Décembre 2017 à 09:09
    Superbe article sur notre Johnny national,merci Raoul. ;)
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